Vive la Maréchal
En 1945, de retour de Berchtesgaden, la 2ème compagnie du 501ème RCC (Régiment de Chars de Combat), forte de 250 hommes, commandée par le capitaine Jacques de Witasse (décédé à Lyon le 13 janvier 2007) vint au repos à Villeblevin où elle séjourna 6 mois. Cette unité composée de volontaires constituant l’une des plus anciennes formations de la 2eme DB, venue de Tunisie (serment de Koufra), partie en Angleterre effectua le débarquement de Normandie, puis libéra Paris, pour finalement enlever le nid d’aigle d’Hitler à Berchtesgaden et le détruire.
C’est donc pour honorer la mémoire de leur chef prestigieux, le maréchal Leclerc et de tous ceux qui tombèrent pour libérer la France, qu’était organisée le 23 avril 1961 l’inauguration de la rue de la Division Leclerc en la présence de Madame La Maréchale Leclerc de Hautecloque en personne, de M. Benoit sous-préfet de Sens, de M. Chamiliard maire et de son conseil municipal, des anciens de la 2ème D.B, des maires du canton, et de nombreuses personnalités locales et des habitants de Villeblevin.
Auparavant cette rue s’appelait la rue de la Mortelerie, car c’est celle que l’on empruntait pour conduire les défunts jusqu’au cimetière en présence
Francoise Vergnory nous fait partager ses quelques souvenirs d’enfance et nous offre ces photos ou Villeblevin était en liesse. Elles raviveront j’en suis sûr les souvenirs de certains qui ont vécu l’évènement
23 avril 1961, en dépit des sursauts qui, des deux côtés de la méditerranée font surgir les passions, Villeblevin, petite commune calme de l’Yonne va de nouveau connaître, en cette journée de dimanche paisible, l’enthousiasme qui la porta seize ans auparavant, lorsqu’elle accueillit la 2ème compagnie du 501ème Régiment de Char de Combat, l’un des fers de lance de la célèbre 2ème Division Blindée, à son retour triomphal du nid d’aigle à Berchtesgaden.
Petite fille de 13 ans, élevée dans le souvenir des faits d’armes admirables de cette unité issue de la France libre, comment aurais-je pu échapper à l’émotion ambiante : d’abord parce que comme beaucoup de ses camarades mon père Julien Vergnory avait rencontré ma mère à cette époque, un peu plus tard ils se mariaient à Villeblevin. Et puis, il y avait l’attente de la venue d’une très grande dame : la Maréchale Leclerc de Hautecloque. Pour l’accueillir un arc de triomphe avait été érigé à l’entrée du village tandis que des sapins de fleurs en papiers décoraient la grande rue. Hélas ! ce malheureux arc de triomphe n’eut qu’une vie éphémère, trop bas pour laisser passer le car qui amenait les anciens de la division, il fallut le démolir.
La maréchale, conduite par un ancien de la 2ème DB de Vincennes, Monsieur Duliscoët, arrivait avec Monsieur Maurice Hirsch et Léonce Boissonnat, Présidente de la section de Vincennes, grand invalide de guerre. Accueillie par mon père Julien Vergnory, ils se dirigèrent vers la Mairie avant de se rendre à l’église où allait se dérouler une messe magnifique : la messe en l’honneur de Jeanne d’ Arc de H. Nibelle accompagnée par une chorale d’enfants, dont je faisais partie, sous l’égide du Père Balluteau, curé de Villeblevin. L’orgue était tenu par ma mère Jacqueline Vergnory.
Parmi les nombreux porte-drapeaux, on reconnaissait Achille Martel, Porte drapeau national de la 2ème DB.
La sortie de la messe nous réserva deux surprises : la première empreinte d’émotion allait montrer à tous les participants la simplicité, l’accueil, l’amour des autres pratiqués par la Maréchale Leclerc de Hautecloque. Deux enfants d’un ancien du 501ème RCC habitant Villeblevin avaient offert à la Maréchale un bouquet de fleurs. Avisant la présence d’une de mes camarades d’enfance dans son fauteuil roulant, la Maréchale détacha un œillet blanc de son bouquet, se pencha sur elle pour lui offrir la fleur et l’embrassa.
La deuxième devait témoigner d’une certaine joie de vivre de cette Maréchale : avec Monseigneur Lamy Archevêque de Sens elle s’en fut vers un stand de foire présentant un jeu de petit train. C’est avec le sourire que tout deux se mirent en devoir de faire fonctionner l’engin pour la grande joie de l’assistance.
Alliage de simplicité et de grandeur, mélange d’accueil chaleureux et de facilité de contact dans l’application du respect absolu de l’autre, telle était la Maréchale Leclerc, telle elle nous apparut en ce jour à Villeblevin, telle elle se montrait pour les anciens compagnons d’armes de son époux, le Maréchal Philippe Leclerc de Hautecloque, que tous appelaient non sans égard « la Patronne », ce qu’elle acceptait avec une grâce très agréable.
Oui ; ce 23 avril 1961 restera comme l’un de mes plus beaux et plus émouvants souvenirs. C’est pourquoi, j’ai voulu élever mes enfants dans le respect de l’ Histoire et tout particulièrement de cette épopée si proche de nous, à laquelle mon père Julien VERGNORY a pris une part importante.
Aujourd’hui la section de Vincennes de la 2ème DB a une jeune porte drapeau, ma fille, Bénédicte, très fière de porter l’emblème de la division dans laquelle combattit son grand père.
Françoise VERGNORY.